Les infections humaines causées par les cestodes, ou ténias, peuvent se produire dans la lumière de l’intestin, où les cestodes adultes s’attachent à l’intestin de l’hôte (Encadré 1). L’infection humaine peut également résulter de la dissémination des cestodes de l’intestin vers des sites extra-intestinaux, souvent par des formes larvaires du parasite. Le cycle de vie des cestodes est déterminé par les hôtes définitifs, dans lesquels vit le ver adulte mature, et les hôtes intermédiaires, qui hébergent les formes larvaires du parasite.
L’homme est un hôte définitif pour six cestodes : Diphyllobothrium latum, Taenia solium, Taenia saginata, Hymenolepis diminuta, Hymenolepis nana et Dipylidium caninum. En outre, l’homme peut être un hôte intermédiaire pour Echinococcus granulosis et Echinococcus multilocularis. Toutes les formes de maladies associées aux infections causées par les cestodes peuvent être traitées ; il convient donc de procéder à une anamnèse et à un examen physique minutieux afin d’identifier les patients potentiels.
Les cestodes s’attachent à la muqueuse intestinale au moyen d’un organe spécialisé appelé scolex, dont la morphologie est propre à chaque espèce de cestode. Un à plusieurs centaines de segments, appelés proglottis, sont attachés au scolex. Les proglottis contiennent chacun des organes reproducteurs mâles et femelles et peuvent être classés comme immatures, matures ou gravides, en fonction de l’état de maturation de leurs organes sexuels. Un proglottis gravide contient un utérus entièrement développé, rempli d’œufs. La structure utérine d’un proglottis gravide permet de différencier les espèces de cestodes.
En France, les infections par les cestodes, bien que relativement rares, constituent un problème de santé publique en raison de leur impact potentiel sur la santé humaine. Les infections autochtones de ténias les plus fréquemment rapportées sont causées par Taenia saginata, communément appelé ténia du bœuf, et Dibothriocephalus latus, en particulier dans la région des lacs suisses.
L’échinococcose, causée par les espèces Echinococcus, est notamment présente dans le nord-est de la France. Au cours des deux dernières décennies, on a observé une augmentation et une propagation des cas d’échinococcose humaine dans cette région. Cette infection parasitaire peut entraîner de graves complications pour la santé, notamment le développement de kystes dans les organes vitaux, ce qui nécessite une intervention médicale rapide.
Infection à Diphyllobothrium Latum
Infection à Taenia Solium
Cysticercose (infection à Cysticercus Cellulosea)
Infection à Taenia Saginata
INFECTION À HYMENOLEPIS NANA
Éléments essentiels du diagnostic
- Les vers adultes et les proglottis sont rares.
- Œufs sphéroïdaux à parois minces (30-47 mm).
- Les œufs contiennent deux éléments polaires d’où partent 4 à 8 filaments (diagnostic).
- Le scolex possède des crochets et quatre ventouses.
Considérations générales
H nana est répandu dans le monde entier et est appelé le ténia nain en raison de sa petite taille (2-4 cm). Les zones endémiques comprennent l’Asie, l’Afrique, l’Amérique du Sud et l’Amérique centrale, ainsi que l’Europe du Sud et de l’Est. L’infection par H nana est contractée par l’ingestion d’œufs, généralement présents dans les selles humaines. Les œufs éclosent dans l’estomac ou l’intestin grêle, et les larves qui en résultent se fixent sur la paroi intestinale, où les vers adultes se développent en plusieurs semaines. Les œufs sont libérés directement par les proglottis gravides alors que ces derniers sont encore attachés au ver adulte ; c’est pourquoi les proglottis sont rarement observés lors de l’examen des selles. Divers arthropodes, tels que les puces, peuvent servir d’hôtes intermédiaires alternatifs pour H nana. Les œufs produits chez les humains infectés peuvent entraîner une auto-infection interne, et une mauvaise hygiène oro-fécale peut entraîner la transmission de l’infection d’une personne à l’autre.
Résultats cliniques
Signes et symptômes
L’infection par H nana est le plus souvent asymptomatique, mais certains patients peuvent se plaindre de maux de tête, de vertiges, d’anorexie ou de douleurs abdominales. Il n’est pas certain que ces symptômes soient liés à l’infection. Les enfants peuvent souffrir de maux de tête ou de troubles du sommeil et du comportement, qui disparaissent après un traitement efficace de l’infection.
Résultats de laboratoire
Comme pour les patients atteints d’autres infections à cestodes, l’examen du sang des patients atteints d’une infection à H nana est généralement normal, bien qu’une légère leucocytose avec éosinophilie puisse être présente. L’examen microscopique des selles révèle souvent des œufs, mais il est rare de trouver des proglottis dans le cas d’une infection à H nana.
Diagnostic différentiel
L’infection par H nana étant généralement asymptomatique, les patients la découvrent le plus souvent à l’occasion d’un examen de selles effectué pour une autre raison. Chez les patients présentant des troubles gastro-intestinaux non spécifiques, il convient d’écarter la possibilité d’un ulcère gastroduodénal ou d’une tumeur maligne. De même, chez les enfants présentant des symptômes comportementaux, il convient d’envisager divers troubles neurologiques d’origine organique et psychologique.
Les complications
Des crises d’épilepsie ont été signalées dans le cadre d’infections par H nana, dont le mécanisme n’est pas encore élucidé.
Traitement
Les kystes de H nana sont plus résistants au traitement que les vers adultes. Par conséquent, des doses plus élevées ou des traitements plus longs sont nécessaires pour éradiquer les kystes que dans le cas d’autres infections par des cestodes. Le traitement de l’infection par H nana consiste en une dose unique de praziquantel ou de niclosamide (voir encadré 2). Des examens de suivi des selles doivent être effectués deux semaines et trois mois après le traitement.
Les autorités sanitaires françaises soulignent l’importance d’un diagnostic et d’un traitement précis des infections par les cestodes. La Haute Autorité de Santé (HAS) a mis à jour les actes de biologie médicale relatifs au diagnostic de la cysticercose, soulignant la nécessité de disposer d’outils de diagnostic précis pour améliorer les résultats pour les patients.
Les protocoles de traitement en France impliquent généralement des médicaments antiparasitaires tels que le praziquantel ou l’albendazole, en fonction du type spécifique d’infection par le ténia.
Pronostic
L’infection par H nana étant généralement asymptomatique et répondant au traitement, le pronostic est excellent.
Prévention et contrôle
L’infection par H nana peut être évitée par une bonne hygiène oro-fécale et le respect des principes d’assainissement (par exemple, l’élimination appropriée des eaux usées humaines) (encadré 3). L’ingestion accidentelle d’arthropodes hôtes peut également provoquer une infection, bien que ce mécanisme d’infection soit peu fréquent.
Les mesures préventives sont essentielles pour réduire l’incidence des infections par les cestodes. Les recommandations de santé publique en France incluent la cuisson correcte de la viande à des températures sûres pour tuer les larves parasitaires, une bonne hygiène des mains, en particulier avant les repas et après avoir utilisé les toilettes, et le contrôle des ectoparasites chez les animaux domestiques pour prévenir la transmission.
En outre, il est conseillé de vermifuger régulièrement les animaux domestiques afin de minimiser le risque de transmission zoonotique.
HYMENOLEPIS DIMINUTA
Éléments essentiels du diagnostic
- Les proglottis sont rares dans les selles, mais des vers adultes peuvent être présents.
- Œufs ovoïdes et à parois épaisses (70-85 um sur 60-80um).
- Les œufs ne contiennent pas d’éléments polaires.
- Le scolex n’a pas de crochets et quatre ventouses.
Considérations générales
H diminuta est également distribué dans le monde entier, mais l’incidence de l’infection est beaucoup moins fréquente que pour H nana. L’infection par H diminuta est contractée par l’ingestion d’œufs produits par un hôte intermédiaire arthropode obligatoire. Les œufs éclosent dans l’estomac ou l’intestin grêle et les vers adultes se développent en plusieurs semaines. Les œufs sont de taille similaire à ceux de H nana, mais se distinguent par l’absence de filaments polaires et par leur forme ovoïde. Contrairement à H nana, le cycle de vie de H diminuta nécessite un hôte arthropode intermédiaire, et les vers adultes peuvent être transmis dans les selles de l’homme.
Résultats cliniques
Signes et symptômes
L’infection par H diminuta n’est pas associée à des symptômes cliniques.
Résultats de laboratoire
L’examen microscopique des selles révèle souvent des œufs et des vers adultes. L’examen sanguin peut révéler une légère leucocytose avec éosinophilie.
Diagnostic différentiel
La découverte de H diminuta dans une infection humaine est souvent une découverte fortuite et asymptomatique.
Complications
Aucune complication n’a été signalée.
Traitement
Le traitement de l’infection par H diminuta consiste en une dose unique de niclosamide (voir encadré 87-2).
Pronostic
H diminuta répond rapidement au traitement et le pronostic est donc excellent.
Prévention et contrôle
L’infection par H diminuta peut être réduite en diminuant l’exposition aux arthropodes vecteurs, notamment par des mesures de dératisation (encadré 3).
Infection à Dipylidium Caninum
Infection échinococcique
ENCADRÉ 1.
Syndrome | Plus fréquent | Moins fréquents |
Infection àDiphyllobothrium latum | Ballonnements, douleurs abdominales, diarrhée | Obstruction intestinale, carence en vitamine B12 |
Infection àTaenia solium | Asymptomatique | Indigestion, nausées |
Cysticercose (infection extra-intestinale à T solium ) | Céphalées, crises d’épilepsie, déficits neurologiques | Myosite, insuffisance hépatique ou cardiaque |
Infection àTaenia saginata | Asymptomatique | Crampes abdominales, malaise |
Infection àHymenolepis nana | Douleurs abdominales | Vertiges, anorexie ; troubles du comportement chez l’enfant |
Infection àHymenolepis diminuata | Asymptomatique |
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Infection àDypylidium caninum | Asymptomatique | Indigestion, anorexie, prurit anal |
Infection échinococcique | Douleur abdominale, masse | Convulsions, céphalées, déficits neurologiques, douleurs osseuses |
ENCADRÉ 2.
Syndrome | Traitement pour adultes | Traitement pédiatrique |
Infection àDiphyllobothrium latum |
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Infection àTaenia solium |
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Cysticercose (infection extra-intestinale à T solium ) |
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Infection àTaenia saginata |
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Infection àHymenolepis nana |
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Infection àHymenolepis diminuta |
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Infection àDypylidium caninum |
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Infection échinococcique |
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ENCADRÉ 3.
Syndrome | Mesures préventives |
Infection à Diphyllobothrium latum | Cuisson adéquate du poisson ou congélation du poisson pendant 48 heures |
Infection àTaenia solium | Cuisson adéquate de la viande de porc ou des produits à base de viande de porc |
Cysticercose ( infection extra-intestinale à T. solium) | Comme pour T solium |
Infection àTaenia saginata | Cuisson adéquate de la viande bovine et des produits à base de viande bovine ; inspection de la viande bovine et destruction des carcasses infectées |
Infection àHymenolepis nana | Respect d’une bonne hygiène fécale et orale |
Infection àHymenolepis diminuta | Mesures de lutte contre les arthropodes (telles que la lutte contre les rats) |
Infection àDypylidium caninum | Dépistage des chiens et des chats ; traitement des animaux infectés |
Infection échinococcique |
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